Portage salarial après 8 juin 2013

Depuis des années le statut du salarié porté par une société de portage salarial doit être précisé. Un accord précédent avait finalement été rejeté. Mais aujourd’hui, le ministre M. Sapin permet l’extension de cet accord aux sociétés de portage salarial. Étude des conséquences pour les entrepreneurs salariés des sociétés de portage.

Si le principe du portage salarial n’est pas modifié fondamentalement, bien au contraire, l’arrêté du 8 juin 2013 remet en question bien des affirmations publiées sur ce site, en particulier sur les forums, concernant les possibilités d’accéder au portage salarial.

Accès limité au portage salarial

Un arrêté ministériel, signé par Michel Sapin, ministre du Travail, en date du 8 juin 2013, confirme l’application de l’accord syndical de 2010 qui avait été négocié par le PRISME, syndicat des sociétés d’intérim (voir l’évolution de la législation du portage salarial).

Cet arrêté limite ainsi l’accès au portage salarial :
 aux cadres,
 dont la rémunération mensuelle est supérieure à 2.900 euros,
 qui sont liés à leur société de portage salarial par un contrat à durée indéterminée (CDI).

Quid des contrats en cours de portage salarial

Au moment de la publication de cet arrêté, des milliers de contrats de portage salarial sont en cours. Les salariés dont les contrats respectent les limitations qui s’imposent désormais légalement n’ont pas de raisons de s’inquiéter. Bien au contraire, cette modification de la loi leur permet :
 de s’appuyer sur une plus grande reconnaissance de leur statut juridique, notamment vis à vis de leurs clients,
 de s’assurer de la reconnaissance de leur statut de salarié au terme de leur mission de portage salarial, et donc du versement d’ARE par le Pôle Emploi.

En revanche, que deviennent les contrats signés en CDD, avec des employés (qui n’ont donc pas le statut de cadre), qui ne permettent pas d’atteindre une rémunération mensuelle de 2.900 euros brut.

Ce qui semble certain, c’est que ces derniers ne pourront plus prétendre à des allocations chômage au terme de leur mission et que les tribunaux ne pourront plus condamner l’Unédic à reconnaître leurs droits en cas de procédure judiciaire. En effet, le Pôle Emploi s’appuiera désormais non plus sur un accord rejeté par l’IGAS et laissé en suspens par le législateur, mais sur un arrêté ministériel.

Quid de l’avenir du portage salarial pour les non cadres ?

Il est évident que cet arrêté et cette inscription dans la loi du portage salarial est une avancée décisive pour les sociétés de portage salarial leaders du secteur et qui ont pour principaux clients des cadres utilisant le portage pour des missions à forte valeur ajoutée.

En revanche, cette limitation d’accès au portage salarial met en péril l’avenir des sociétés de portage salarial spécialisées dans des activités beaucoup moins rémunératrices. Il était hier possible de devenir céramiste, coiffeur, secrétaire... en portage salarial, cela est rendu maintenant impossible.

Aussi, cette clarification de la loi entraîne avec elle nombre de sociétés et d’entrepreneurs dans un flou juridique dont il faudra sortir au plus vite. Les syndicats vont devoir maintenant établir une convention collective pour les sociétés de portage salarial, et surtout décider de l’avenir des autres professions, c’est à dire des sociétés de portage salarial et de leurs salariés qui n’entrent plus dans le cadre du portage tel que défini par la loi.

En attendant, la rémunération brute de 2.900 euros par mois s’entendant pour un temps plein, les sociétés de portage ne seront-elles pas incitées à diminuer sur les bulletins de salaire le temps travaillé par leurs salariés pour leur permettre d’atteindre le seuil de rémunération horaire imposé par la loi ?

Pourquoi cette réforme du portage salarial ?

Pourquoi Michel Sapin a-t-il aujourd’hui imposé l’accord de 2010 qui avait pourtant été rejeté par l’IGAS au nom de l’inégalité créée entre les salariés, puisque cet accord et cet arrêté limité l’accès au portage aux seuls cadres ?

Cette réforme permet avant tout d’ancrer le portage salarial dans l’organisation du travail des cadres, à côté de l’intérim. Le cadre en portage salarial est un indépendant, il recherche et choisit ses clients, décide du montant des facturations... Cette organisation est parfaitement légale, aucun doute sur ce point, or il est essentiel vis à vis des entreprises clientes pour permettre le développement du portage salarial à long terme.

Mais cette réforme peut également être lue en parallèle des autres réformes en cours sur les statuts juridiques des entrepreneurs. Ainsi, parallèlement à la réforme du statut d’auto-entrepreneur, il était indispensable d’interdire à ces derniers d’avoir recours au portage salarial pour limiter leur chiffre d’affaires annuel d’auto-entrepreneur afin d’éviter une sortie de ce statut simplifié. Aujourd’hui, un auto-entrepreneur aura bien des difficultés à trouver une société de portage pour facturer les quelques milliers d’euros qui lui font dépasser le seuil chiffre d’affaires entraînant la limitation dans la durée de son statut.

L’arrêté ministériel du 8 juin 2013 clarifie le statut du salarié porté et la définition du portage salarial. Mais il pose aussi de nombreuses questions pour tous ceux qui utilisent le portage salarial mais n’entrent pas dans le cadre de cette nouvelle législation.

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